Page:Rague - Jane Austen, 1914.djvu/157

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Elle sait admirablement caractériser par la simple répétition de locutions habituelles, comme le « si tellement » de Miss Bates ou « il est si drôle » de Mrs. Palmer, la vulgarité de ses personnages comiques. Toutes ces conversations des Elton, des Collins, des Bertram, qui ont séduit les intelligences les plus raffinées, sont faites de lieux communs, de réflexions vulgaires, qui rapprochés éveillent des pensées nouvelles et mettent en lumière des traits de caractère inaperçus dans la vie réelle.

Si, par une suite de fins dialogues, par d’amusantes notations de petits travers, Jane Austen nous a rendu visibles la mentalité de ses personnages, elle s’est peu souciée de leur extérieur. Elle ne jette qu’un rapide regard sur le monde physique, et ne nous donne que la plus sommaire esquisse des localités, des habitations, des vêtements. Nous ne trouvons pas dans ses œuvres de longues descriptions de paysages, d’ameublements, de costumes, qui permettent à l’écrivain d’étaler sa science de la phrase et sa virtuosité à jongler avec les mots. Devons-nous nous en plaindre ; ou ainsi que Taine, parlant de Prosper Mérimée, nous écrier avec ravissement : « Point de ces descriptions qui passent au bout de cinquante ans et qui nous ennuient tant aujourd’hui, comme dans Walter Scott. Rien que des faits et des faits toujours instructifs [1] ». Jane Austen, écrivant pour ses contemporains des romans qu’elle croit sans doute éphémères, ne cherche pas à accabler ses lecteurs sous de fastidieuses énumérations d’étoffes, de mobiliers, de tous les détails d’intérieur qui leur sont familiers, et dont la connaissance n’apportera aucun élément nouveau à l’analyse psychologique.

Elle est sensible au charme des jolis paysages, mais elle ne croit pas devoir exprimer ses impressions en des

  1. Essais de critique et d’histoire.