Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/21

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je m’étais laissé trop facilement aller au courant de mes jeunes aspirations, et je résolus de m’arrêter. Prends garde, me disais-je, l’amour est là, il est près de toi et te guette, l’amour qui pour les uns, est le stimulant des belles et grandes choses ; et pour les autres, l’appât où viennent mordre les passions mauvaises, le leurre où viennent se tromper les plus fiers et les plus sûrs esprits. Tu ne veux pas, tu ne peux pas te marier encore, mais le voudrais-tu, ce n’est pas là que tu dois faire ton choix. Laisse donc cette jeune fille qui ne sera pas ta femme ; ne trouble pas le repos de son âme ; laisse-la dans la sphère, qui lui est propre attendre, sans que sa virginale candeur ait à rougir ou à souffrir, l’heure qui lui amènera un époux. Et puis la vanité s’en mêlant, je me demandais sottement, bêtement, ce qu’on dirait quand on apprendrait dans le pays que Carlo Rinaldi, l’artiste, avait pris pour femme une « fornarina », une boulangère ! Stupide orgueil ! Qu’étais-je donc moi-même ? Étais-je issu de la famille de Jupiter ? Comptais-je donc parmi mes ancêtres des princes, des ducs, des marquis, des comtes, des barons, pour