Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/22

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craindre ainsi de faire une mésalliance ? N’étais-je pas le fils d’un simple fabricant de faïence ? Et son père, ne valait-il pas le mien ?

Plein de ces idées, dont quelques-unes avaient au moins le mérite d’une franche honnêteté, je fis d’abord des visites moins fréquentes. Peu à peu elles devinrent assez rares ; on m’en fit de tendres reproches ; je prétextai la nécessité de presser l’exécution de mes travaux.

Nino continuait toujours à me visiter. Le cher enfant s’était pris à m’aimer passionnément. Je lui faisais mille tendres caresses, et il me semblait parfois que j’indemnisais ainsi Pia de la peine que devait lui faire éprouver mon absence. Quand il restait trop longtemps, Pia venait l’appeler dans la cour, et chaque fois que j’entendais sa voix, je tressaillais malgré moi. J’ouvrais la porte et je la saluais, et nous échangions quelques paroles banales. Rarement elle se rapprochait assez pour qu’il fût possible de leur donner une autre tournure. Je sentais que la pauvre fille luttait au moins autant que moi contre l’attrait du sentiment qui nous remplissait tous deux en nous faisant souffrir. Au bout de quelque temps, je remarquai dans toute sa personne une espèce d’alanguissement, sur ses traits une teinte morbide de mélancolie. Son teint commençait à n’avoir