Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/24

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résistais ; je ne voulais pas revoir Pia, et pourtant je sentais qu’il m’eût été bien doux d’entendre encore le son de sa voix, et de me trouver sous le regard de ses beaux yeux. J’en étais arrivé à lutter contre le bonheur, comme d’autres luttent contre le malheur. Enfin j’eus le triste courage de m’éloigner sans faire une visite, sans embrasser mon cher petit muet. Pauvre enfant ! devais-je donc l’envelopper dans cette espèce de proscription de toute sa famille ?


IV


J’étais installé depuis quelques jours dans l’atelier que M. Palmer avait mis à ma disposition dans une partie des dépendances de la villa, et je travaillas avec ardeur, lorsque, une après-midi vers cinq heures, je vis entrer, accompagnée d’un jeune homme de vingt-cinq ans environ, une jeune fille qui paraissait en avoir de dix-huit à vingt. Aux traits du gentleman je reconnus sans peine le fils de M. Palmer dont la prochaine arrivée ainsi que celle de sa sœur avait été annoncée. Il était grand, et d’une apparence robuste comme son père. Il portait les cheveux courts et la barbe longue. Cheveux et barbe étaient d’un blond tirant sur le roux. Il était roide comme un chevalier du moyen âge sous son armure de fer, et semblait porter le poids d’un immense ennui. Quant à la jeune fille, aucun des traits de son visage ne rappelait ceux de son père. Presque petite, mais souple et souverainement gracieuse dans tous les mouvements de son corps, elle avait une tête pleine de mobilité et de grâce mutine. Ses cheveux châtains d’une nuance charmante étaient partagés sur le milieu de la