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Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/27

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En la voyant rire et plaisanter si légèrement des choses du cœur, je doutais qu’elle pût être susceptible de ces sentiments de tendresse qui sont le fond de la nature des femmes, et qui nous les rendent si chères. Elle m’apparaissait alors comme un petit monstre en qui le sens de l’amour manquait, et je me sentais pris pour elle d’une soudaine horreur.

Un jour où ses railleries à propos de l’amour m’avaient presque exaspéré, je lui dis sans ménagement et sans prudence :

— Je plains l’homme qui, attiré par les charmes de votre personne, viendra heurter à la porte de votre cœur.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que… Je balbutiai ; je n’osai pas achever.

— Parce qu’il est de marbre, ou peut-être même que je n’en ai pas. C’est cela, n’est-il pas vrai ? Ayez le courage d’achever.

— Non, Miss. Je n’ai pas voulu dire cela.

— Mais quoi donc ? Parlez, je le veux. Pourquoi le plaignez-vous ?

— Eh bien ! je le plains, parce qu’il souffrira.

Elle partit d’un bruyant éclat de rire. Je restai confondu.

— Je suis sûre que vous aimez, signor Rinaldi, reprit-elle un instant après, d’un ton de componction souverainement moqueuse.

— Oui, je n’ai pas honte de l’avouer ; mais celle que j’aime…

— A, sans aucun doute, toutes les tendresses du cœur, le seul mot d’amour la fait