Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/7

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celui qu’elle aime. J’ai été dans cette situation quand j’ai pu contempler enfin cet enfant de mon cœur et de mes souvenirs. Pia vit tout entière dans ce marbre qui sera l’impérissable monument de mon amour et de mon expiation. Comme Raphaël Sanzio j’ai eu ma Fornarina, une Fornarina au moins aussi belle, et certainement plus pure que la sienne.

— Elle s’appelle Pia ?

— Oui, Pia Toscanelli. Je vous ai promis son histoire : écoutez-la.

— Je suis tout oreilles.

Carlo Rinaldi, après s’être recueilli un instant, commença ainsi son récit :


II


J’avais vingt ans quand mon père, dont j’étais l’unique enfant, et qui, malgré cela, voulait me faire entrer dans les ordres, mourut. La petite fortune qu’il me laissait en héritage me créait une indépendance relative, et me permettait de suivre une carrière selon mes goûts. J’avais appris le dessin et la peinture sous un maître des plus habiles ; mais la sculpture, que je pratiquais dès mon jeune âge, était mon art favori. Résolu à m’y livrer exclusivement, je louai un atelier à Prato. La maison dont il faisait partie était bâtie en équerre, et formait l’angle de deux