je suis venu demeurer dans ces forêts à l’ordre de mon père, à la voix de ma belle-mère. Ô toi, en qui sont rassemblés tous les caractères de la beauté, toi, si charmante, qu’on dirait Çri elle-même, qui se manifeste aux yeux des mortels, qui es-tu donc, toi, qui, femme craintive, te promènes dans le bois Dandaka, la plus terrible des forêts ? Je désire te connaître : ainsi dis-moi qui tu es, quelle est ta famille, et pour quel motif je te vois errer seule ici et sans crainte. »
À ces mots, la Rakshasî, troublée par l’ivresse de l’amour, fit alors cette réponse : « On m’appelle Çoûrpanakhâ, je suis une Rakshasî, je prends à mon gré toutes les formes ; et, si je me promène seule au milieu des bois, Râma, c’est que j’y répands l’effroi dans toutes les créatures. Les tîrthas saints et les autels y périssent, anéantis par moi. J’ai pour frères le roi des Rakshasas lui-même, nommé Râvana ; Vibhîshana, l’âme juste, qui a répudié les mœurs des Rakshasas ; Koumbhakarna au sommeil prolongé, à la force immense ; et deux Rakshasas fameux par le courage et la vigueur, Khara et Doûshana. Ta vue seule m’a jetée dans le trouble, Râma : aime-moi donc comme je t’aime ! Que t’importe cette Sîtâ ? Elle est sans charmes, elle est sans beauté, elle n’est en rien ton égale ; moi, au contraire, je suis pour toi une épouse assortie et douée, comme toi, des avantages de la beauté. Laisse-moi dévorer cette femme sans attraits ni vertus, avec ce frère, qui est né après toi, mais de qui la vie est déjà terminée. Cela fait, tu seras libre, mon bien-aimé, de te promener avec moi par toute la contrée Dandaka, contemplant ici les sommets d’une montagne et là des bois enchanteurs. »
Quand il eut ouï ce discours plus qu’horrible de la