Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/106

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l’Europe ; il critique les altérations monétaires et voit en-elles, à fort juste titre, une continuelle menace à la sûreté des contrats ; enfin, comme le rapport de valeur commerciale de l’or et de l’argent est de son temps de 1 à 12, il conclut que l’on pourrait profiter de la simplicité de cette relation pour frapper des pièces d’or et d’argent d’un poids égal, présentant entre elles un rapport de valeur de 1 à 12. C’est l’idée que la Convention reprit avec la loi du 6 vendémiaire an II, quand elle imagina les francs d’or et les républicaines d’argent, de 10 grammes les uns et les autres, mais avec le rapport de 1 à 15 1/2, déjà inauguré par M. de Galonné. Quant au rapport de là 12, Bodin reconnaît bien qu’il peut changer et qu’il changera dans le sens d’un enchérissement de l’or : ce changement, en tout cas, ne pourra s’opérer que d’une manière insensible[1]. Là dessus Bodin eut raison jusqu’en 1871.

Ce qui manquait encore à cette théorie de la monnaie et des prix, c’étaient les considérations sur les besoins différents que l’on a de l’or et de l’argent : suivant la vitesse de circulation qu’on leur donne et suivant le perfectionnement, du crédit et de ses modes de règlement. Sur le premier de ces deux points, il faut attendre Cantillon[2]. sur le second, Bodin, sans aller aux banques de dépôt et de virement que possédaient Venise, Gènes et Barcelone, aurait pu s’instruire à la « Chambre des quatre paiements » de Lyon, qu’il a contribué à faire regarder comme une banque au sens moderne de ce dernier mot[3].

Les théories de Bodin en matière de circulation et de commerce international ne nous paraissent pas moins intéressantes, ni surtout pas moins neuves. Adversaire de l’esclavage[4], Bodin s’y montre libéral dans une large

  1. Ibid., pp. 65 verso et 68 recto. — Voyez aussi République, 1. VI, ch. III, pp. 913 et suivantes.
  2. Cantillon, Essai sur la nature du commerce, 2e partie, ch, vi-x.
  3. Voyez la note 1 à la page précédente.
  4. Bodin, République, 1. I, ch. v.