Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/105

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Ce qui est peut-être plus remarquable, c’est que Bodin signale parmi ces causes de l’afflux d’or et d’argent, non seulement ce que nous appellerions aujourd’hui un excédent favorable de la balance du commerce, mais encore les placements faits en France par les étrangers[1]. Pourtant il y a encore plus d’or et d’argent en Espagne et en Italie, et voilà pourquoi « tout est plus cher en Espagne et en Italie qu’en France, et plus en Espagne qu’en Italie, et même le service et les œuvres de main[2] ».

Enfin, en France, « la traite trop grande qui se fait hors le royaume », c’est-à-dire : l’exportation, opère dans ce même sens d’enchérissement, puisque la marchandise plus rare en est moins offerte d’autant pendant que le métal l’est davantage[3].

Ajoutons que Bodin décrit les principales monnaies de

  1. « Autre cause de l’abondance d’or et d’argent a été la banque de Lyon, qui fut ouverte par le roi François Ier, qui commença à prendre l’argent à 8 % et son successeur à 10, puis à 16, et jusqu’à 20 % en sa nécessité. Soudain les Florentins, Lucquois, Genevois, Suisses, Allemands, affriandés de la grandeur du profit, apportèrent une infinité d’or et d’argent en France…Par même moyen, les rentes constituées sur la Ville de Paris, qui montent à 3.350.000 livres tous les ans, ont alléché l’étranger, qui a porté ici ses deniers poury faire profit, ; et enfin s’y habitue » (Op. cit., p, 50 recto et verso) — C’était un des procédés du système mercantile : on offrait à perte et systématiquement un intérêt très élevé aux capitaux étrangers, véritables emprunts « extérieurs », comme nous dirions maintenant pour attirer les métaux précieux du dehors — Seulement qu’est-ce que c’est que cette « Banque de Lyon » dont parle Bodin ? Est-ce une institution proprement, dite, un établissement de crédit, comme nous dirions aujourd’hui ? Telle est l’opinion de M. Dubois (Précis de l’histoire des doctrines économiques, 1.1, p. 121), qui, sur la foi de Bodin, lui assigne 1543 comme date de fondation. Or, les Lyonnais, qui connaissent bien leur « Chambre des quatre paiements » et qui en sont très justement fiers, n’ont jamais entendu parler de la « Banque de Lyon ». Il y a erreur, en effet. Elle était simplement, en vertu d’une ordonnance royale de date inconnue, mais certainement antérieure à 1549, l’autorisation donnée aux banquiers et négociants des foires de Lyon de se réunir sur la place du Change pour y régler leurs affaires. Les rois empruntèrent ensuite, non pas à une banque, mais aux banquiers habitant Lyon « au banc de Saône » et l’on se mit à dire la « banque de Lyon », comme nous disons maintenant « la haute banque » sans qu’il y ait aucun établissement de ce nom là. Il en est de même des banques de Toulouse et de Rouen, citées de même par M. Dubois (eod. loco) (Voyez la Banque à Lyon du XVe siècle au XVIIIe siècle, par Vigne, Lyon, 1903, pp. 107 et s.).
  2. Ibid., p. 50 verso.
  3. Ibid., p. 51 recto.