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CHAPITRE V

LES MERCANTILISTES

I

LE MERCANTILISME AVANT COLBERT

Le moyen âge n’avait pas, à proprement parler, un système douanier quel qu’il fût. Les seigneurs féodaux pratiquaient volontiers sur les céréales ce que l’on appelle « la politique de l’approvisionnement », en interdisant ou en taxant l’exportation des grains ; ils établissaient plus volontiers encore des droits fiscaux sur le transit des marchandises ; enfin les corporations des villes, fortes de leurs privilèges municipaux, les exerçaient en écartant autant qu’elles le pouvaient la concurrence des produits du dehors. Mais toutes ces mesures n’appartenaient pas à un système économique homogène et raisonné, et elles ne procédaient, pas du désir de créer ou de diriger des courants industriels, et commerciaux. Venise, cependant, qui était aux XIVe et XVe siècle le principal entrepôt entre l’Orient et l’Occident, pratiquait alors un régime nettement restrictif, avec de véritables « actes de navigation » destinés à réserver à ses nationaux tout le fret d’entrée et de sortie.

Au XVIe siècle, lorsque la facilité croissante des communications fait surgir la question de la liberté du commerce extérieur, c’est le mercantilisme qui tend à dominer d’une manière exclusive, remplacé çà et là, il est vrai, par de simples formules de protection du travail national. D’ailleurs le nom de mercantilisme ne doit être trouvé que par Adam Smith, et le mercantilisme lui-même, s’il existe dans les faits et les procédés, n’existe pas encore dans la doc-