Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/146

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Rouen[1], se rencontre avec Vauban quand il s’agit de dépeindre les souffrances du peuple : mais il s’en écarte dans les remèdes à appliquer ; il voit déjà l’heureuse influence de la liberté ; il a surtout une idée toute différente de la richesse.

Outre les lettres et les conseils plus ou moins importuns qu’il prodigua à Pontchartrain, à Chamillard et à Desmarets, Boisguilbert donnait en 1697 le Détail de la France, la cause de la diminution de ses biens et la facilité du remède, en fournissant tout l’argent dont le roi a besoin et enrichissant tout le monde[2] puis, en 1707, il donnait son Factum de la France, vrai pamphlet économique qui ne pouvait que lui faire des ennemis.

Boisguilbert, après avoir décrit la misère du royaume, préconise deux remèdes, dont l’action, selon lui, doit être immédiate. Il faut : 1° des impôts, non pas diminués en sommes, mais mieux répartis, en ce sens particulièrement que la taille doit être générale et proportionnelle ; 2° la liberté du commerce. Alors chacun pourra semer, planter, produire et négocier, et le revenu du roi augmentera avec les revenus de chacun des sujets. En un mot, il faut « permettre au peuple d’être riche, de labourer et de commercer[3] ». Par là, Boisguilbert est l’avant-garde qui engage la lutte pour la suppression des entraves apportées au commerce et à la circulation des céréales.

  1. Pierre Le Pesant, sieur de Boisguilbert ou Boisguillebert (1646-1714 [?]). — Boisguilbert remplit à peu près seul l’ouvrage de Horn, l’Économie politique avant les physiocrates, 1867, ce qui montre ou la place exagérée qu’on lui donnait autrefois ou l’ignorance que l’on avait encore de tout le reste.
  2. Après avoir été en relations avec Vauban et s’être brouillé avec lui, Boisguilbert publia plus tard le Détail de la France sous le nom de Testament politique du maréchal de Vauban. Voltaire s’y laissa prendre. Voltaire, esprit singulièrement superficiel, n’eut que des injures pour Boisguilbert, dont les vérités lui gênaient son Siècle de Louis XIV. Il le connaissait au reste assez peu, plaçant en 1672, au lieu de 1697, le Détail de la France et le confondant avec le Factum, qui est de 1707 (voir la notice de M. Daire, dans les Économistes financiers du XVIIIe siècle, p. 151).
  3. Voyez Détail de la France, IIe partie, ch. XVII, etc., et surtout le Traité de la nature, culture, commerce et intérêt des grains.