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CHAPITRE VI

LES FINANCIERS

Un grand événement économique et financier — je veux dire l’apparition et la chute du système de Law[1] — allait exercer une influence peut-être décisive sur le mouvement qui se préparait dans les idées. Si connus que soient ces faits, il n’est pas mauvais de les rappeler en quelques mots pour en faire apprécier les conséquences.

Le 2 mai 1716, des lettres patentes du Régent autorisaient Law à créer une « Banque générale », pour escompter le papier de commerce et pour prendre en France le rôle que la Banque d’Angleterre tenait déjà depuis plus de vingt ans. Le capital social était fixé à 6 millions de livres, partagés en 1.200 actions de 5.000 livres. Un quart était payable en espèces, et trois quarts en billets d’État, sorte de bons du Trésor que le Régent avait émis pour faire face à la dette flottante et qui, bien que rendant 4 %, n’étaient alors cotés que 20 % de leur valeur nominale. Quelques mois plus tard, le 10 avril 1717, le Régent ordonnait aux receveurs des revenus publics d’accepter les billets de banque en paiement des contributions et même de les échanger contre du numéraire s’ils le pouvaient. La même année, au mois d’août, Law rachetait d’un sieur Crozat le privilège pour le commerce avec la Louisiane (ce qui comprenait le bassin du Mississipi et du Missouri, avec les montagnes Rocheuses jusqu’au Pacifi-

  1. Jean Law, né à Edimbourg en 1671, mort à Venise en 1729, surnommé « L’As » au temps de sa prospérité. Le nom « L’as », sous lequel il est toujours connu, n’est donc point, comme on le croit d’ordinaire, une prononciation de « Law » empruntée à la langue de son pays d’origine.