Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/153

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et en novembre 1720 il décidait que les billets ne seraient plus acceptés que de gré à gré. C’était la fin du système.

Une double faute avait été commise : Law avait fait croire que le crédit peut remplacer la monnaie, lors même qu’il ne tend pas à l’acquisition, au moins ajournée, de cette monnaie ; et s’imaginer que ce crédit pouvait reposer tout entier sur l’État, était d’autant plus dangereux que les finances publiques étaient alors dans un désarroi plus profond. Au moins le Régent avait eu l’adresse de payer les dettes de l’État en billets de la Banque, sous la menace de conversions fort onéreuses (conversion forcée au denier 50, c’est-à-dire en 2 %), si bien que l’État trouva le moyen de s’alléger de ses dettes au milieu de cette ruine des particuliers, qui était son œuvre.

On a de Law, outre ses mémoires au Régent et les nombreuses lettres et pièces justificatives que la défense de son système a nécessitées, des Considérations sur le numéraire et le commerce, qu’il avait présentées au Parlement d’Edimbourg à la suite de la création de là Banque d’Écosse en 1695 et des difficultés avec lesquelles elle s’était trouvée aux prises. La conclusion de Law, c’est la monétisation de la terre, par la création de billets d’une Banque territoriale, qui les gagerait sur les propriétés foncières, soit en prêtant par hypothèque, soit en achetant elle-même ces terres ou bien à réméré (et alors d’après une capitalisation du revenu à 5 %) ou bien sans réméré et d’une manière irrévocable[1]. Si on avait écouté Law, l’Écosse aurait alors possédé de véritables assignats, singulièrement analogues aux nôtres de la Constituante.

Les conséquences dernières des folies de Law, ce fut que la France, malgré l’exemple de l’Angleterre, resta privée pendant près d’un siècle encore d’une Banque d’émission, sauf toutefois le Comptoir d’Escompte, qui fonctionna de

  1. Op. cit., ch. VII (édit. Guillaumin, p. 495).