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çon d’avoir voulu attendre la hausse, parfois le simple fait d’avoir acheté sans marchander pouvaient entraîner les plus sévères condamnations[1].

Il fallait surtout que l’habitant des villes eût le blé à bon marché, et l’on pensait assurer ce résultat par la suppression de la concurrence et des intermédiaires[2]. Pour Paris notamment, les achats furent limités en quantité, afin que la petite consommation domestique ne souffrît pas des achats en gros de la boulangerie[3]. De plus, une ordonnance du lieutenant civil de Paris, du 8 janvier 1622, confirmant des dispositions antérieures, forma trois zones concentriques autour de Paris : dans la première, de huit lieues de rayon, les achats étaient interdits aux boulangers et négociants de Paris ; dans la seconde, de deux lieues de rayon, ils restaient interdits aux négociants et devenaient permis aux boulangers ; enfin, au-delà de dix lieues, les marchands pouvaient acheter en liberté ; Au resté, ceux de Paris pouvaient acheter partout, même dans les zones de protection de deux lieues qui s’étendaient autour des autres villes et qui étaient interdites aux boulangers et négociants de ces villes elles-mêmes. « L’usage de sacrifier toujours les intérêts des campagnes à ceux des villes, dit avec raison Afanassiev, était une tradition du moyen âge, reprise et aggravée encore par la monarchie absolue. Sitôt que le pain était cher, le prolétariat des villes s’agitait, et le gouvernement redoutait, à Paris surtout, les mouvements populaires, toujours pleins de menaces[4]. »

  1. Afanassiev, op. cit., pp. 80, 91, etc.
  2. Quelquefois on empêchait les paysans d’acheter, sinon en quantité insignifiante, sur les marchés où on les obligeait à venir vendre (Voyez Afanassiev, op. cit., p. 19).
  3. Une ordonnance de décembre 1672 interdit « à tous hôteliers, grainiers et regrattiers » d’acheter plus de deux setiers de blé (pour le blé, le setier de Paris était de 1 h. 56 l. et correspondait en poids à 123 k. à peu près, à raison de 79 k. l’hectolitre). Les boulangers pouvaient acheter jusqu’à deux muids de blé et un muid de farine (le muid était de 12 setiers, soit environ 1.478 k. de blé). — Nous avions compté auparavant sur 77 k. l’hectolitre.
  4. Afanassiev, op. cit., p. 222.