Tout d’abord les pouvoirs publics s’armaient de défiance contre toute idée d’accaparement, et c’était par la suppression des intermédiaires, c’était par le rapport direct du cultivateur et du consommateur qu’ils voulaient assurer le bon marché. De là la défense faite au cultivateur de garder son blé au-delà du terme de deux ans ; de là l’obligation de venir en personne au marché, d’y décharger et d’y vendre sa marchandise soi-même ou par quelqu’un de sa famille, sans pouvoir employer ni un commissionnaire, ni un facteur quelconque ; de là l’interdiction de remporter les grains une fois amenés et la nécessité de les vendre le troisième marché au plus tard, sans pouvoir dans l’intervalle hausser le prix qui avait été déclaré la première fois. L’obligation de vendre au marché était, du reste, fort ancienne : on l’a constaté déjà dans la coutume de Beauvais, en 1383 ; et de nombreux édits ou ordonnances, entre autres de Philippe le Bel et de François Ier, ne faisaient que la confirmer ou la généraliser. Bref, « au commencement du XVIIIe siècle, l’obligation de rendre son blé au marché était pour l’agriculteur une nécessité : quand les cours étaient bas, l’administration fermait les yeux sur les contraventions toujours nombreuses ; mais à la moindre hausse les vexations et l’arbitraire reprenaient de plus belle[1]. »
L’ordonnance de 1577 avait fait défense aux laboureurs (comme aux nobles et à d’autres catégories de personnes) de faire le commerce des blés, avec obligation pour quiconque voulait le faire de se déclarer et faire enregistrer aux greffes. Ce n’était point non plus sans risques qu’on embrassait cette profession, puisque les marchands assumaient la charge « d’aniener leurs grains au marché public de la ville où ils résident, une fois le mois pour le moins, si plus souvent n’est ordonné, et d’en avoir à cet effet toujours quantité ès dites villes, et déclarer les autres lieux esquels ils feront leurs achats et amas de grains ». Le soup-
- ↑ Afanassiev, op. cit., p. 18.