Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/18

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ne lui ont rien apporté, sinon les travaux passablement stériles de Cournot, de Jevons, de Walras et de quelques autres[1].

Dans l’antiquité classique, l’esprit public présentait, comme caractères généraux d’ordre économique, le mépris du travail matériel, le sentiment profond de la nécessité indestructible de l’esclavage, la conviction que la guerre et la conquête figurent à titre normal parmi les modes d’acquisition[2], enfin le dédain du commerce, dédain plus accentué encore chez les Romains que chez les Grecs et coïncidant chez les Romains avec un éloge ardent et sincère de l’agriculture.

Avant de nous demander si la philosophie, elle au moins, ne se préoccupait pas de constituer un faisceau de doctrines économiques, nous avons tout d’abord à signaler certaines idées qui, éparses chez les philosophes, doivent frapper isolément notre attention.

À côté de Thucydide, qui, avec son sens profond d’historien, a fait de nombreuses constatations économiques, c’est Xénophon, Platon et Aristote qui nous attirent ; car

  1. M. Baudrillart invoque un autre motif pour expliquer la tardive naissance de l’économie politique. « Comment, dit-il, les lois qui régissent le travail eussent-elles pu se dévoiler à l’observation, quand elles étaient faussées par l’esclavage ? Comment la répartition de la richesse eût-elle été la matière d’une science, quand elle était affaire d’organisation politique et de pur arrangement légal ? » (J. Bodin et son temps, tableau des théories politiques et des idées économiques au xvie siècle, Paris, 1853, p. 7). L’explication nous semble insuffisante : l’empire romain avait assez de liberté civile pour que l’économie politique y pût naître, puisqu’il en avait assez pour que l’édifice tout entier du droit civil pût y être construit, comme il l’a été, sous un régime de liberté des contrats. — On trouve une explication analogue dans le Manuel d’économique de M. Adolphe Landry (paru en 1908). Il ajoute cependant, comme motifs, l’absence de questions sociales et de questions nationales (Op. cit., p. 29). À cela on lui répondrait sans peine que, d’après lui, toutes ces questions là ne sont point essentielles à l’économie politique, puisque lui-même ne se préoccupe de la propriété et du commerce extérieur que dans ses deux appendices à son énorme volume. Il conçoit donc une « Économique » qui puisse les ignorer.
  2. Faut-il cependant admettre, avec M. de Molinari dans son volume Comment se résoudra la question sociale, que l’économie ancienne était fondée sur la guerre et la conquête, tandis que l’économie nouvelle, par un contraste absolument significatif, est fondée sur l’industrie et la production ?