Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

multiplication des productions et l’accroissement de l’industrie, impriment à toute la société un mouvement qui devient une tendance perpétuelle vers son meilleur état possible[1] ». « Plus on avance — disait aussi Dupont en 1771 — dans l’étude de l’ordre que la Sagesse suprême a donné à l’univers, et plus on est forcé d’admirer la réciprocité des rapports qui-unissent les diverses parties de cet assemblage immense. Rien n’y est isolé, tout s’y tient : toutes les causes sont effets, tous les effets sont causes. Les richesses, par exemple, font naître la culture ; la culture multiplie les richesses ; cette augmentation de richesses accroît la population ; l’accroissement de la population soutient la valeur des richesses mêmes. »

Ce tableau, dira-t-on, n’est qu’une description enthousiaste et poétique. Eh bien, Bastiat, en le reprenant avec des couleurs encore plus vives, y mettra plus de lyrisme et plus d’enthousiasme ; mais quant à nous, nous, croyons qu’il n’est pas moins facile de tirer du spectacle du monde économique que du spectacle de la création inanimée un hymne à la Providence et à la Sagesse infinie de Dieu. Cette croyance en une harmonie naturelle des relations est un des traits caractéristiques de la doctrine physiocratique, née d’ailleurs au milieu des bergeries sentimentales qui attendrissaient nos pères à la veille des égorgements de la Révolution.

Nous n’envisageons ici la liberté qu’au point de vue abstrait ; car il est impossible d’exposer et de discuter les théories physiocratiques sur le commerce extérieur, avant d’avoir étudié leurs théories sur le commerce en général. Nous y reviendrons un peu plus tard.

— Au fond, ce système n’avait-il pas avec lui ses exagérations, déjà dans la partie que nous venons d’en exposer ? Nous n’y contredisons point ; mais nous croyons qu’elles ont été exploitées contre lui avec plus de passion que de

  1. Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, édition Daire, p. 617.