Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faux ne savent pas discerner si c’est la corde ou bien si c’est la source qui donne l’eau[1].

Partant de là, Quesnay faisait résulter le bien-être général d’une augmentation du produit net des terres, parce que cette augmentation allait fournir plus largement aux dépenses des deux autres classes et particulièrement à celles de la classe stérile. Autrement dit, par l’accroissement du produit net, la classe stérile allait transformer davantage : on la verrait tout ensemble davantage consommer et faire consommer[2].

Ainsi un prix raisonnable du blé, « un bon prix, comme dit Quesnay, qui procure de si grands revenus à l’État, n’est point préjudiciable au bas peuple[3]. » Cependant dans la cherté il faut distinguer celle qui est constante et régulière, d’avec celle qui n’a pour cause que le manque de liberté et qui alterne d’une manière très funeste avec les avilissements des prix.

Nous pouvons bien nous expliquer ces vœux que les physiocrates faisaient pour renchérissement du blé ; car les prix alors étaient bas, les campagnes étaient pauvres, et Quesnay, réel connaisseur en matière agricole, parlait de variations entre 10 à 30 livres le setier (environ de 8 fr. 30 à 24 fr. 90 les 100 kilos) et d’une moyenne de 17 livres 8 sous le setier (14 fr. 45 les 100 kilos)[4], alors que, suivant l’estimation commune, l’agriculture était en perte si

  1. Dupont, Notice abrégée, année 1769.
  2. Cette même idée reparaît dans l’école américaine actuelle : la hausse des salaires encourage et active l’industrie, en développant le pouvoir d’achat des salariés. Turgot dira plus tard dans ses Observations sur le mémoire de M. Graslin ; « L’homme salarié, s’il gagne moins, consomme moins ; s’il consomme moins, la valeur vénale des productions du sol est moindre ». (voyez infra, à propos de Turgot).
  3. Article Grains, édit. Oncken, p. 247. « Les villes et les provinces d’un royaume où les denrées sont chères, dit-il, sont plus habitées que celles où toutes les denrées sont à trop bas prix, parce que ce bas prix éteint les revenus, supprime les gains de toutes les autres professions, les travaux et les salaires des artisans et manouvriers ; de plus, il anéantit les revenus du roi » (Ibid.). — Voyez Mercier de la Rivière, Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, éd. Daire, p. 571.
  4. Article Grains, éd. Oncken, p. 197.