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mercantilisme : — mais dans le fond ils se souciaient fort peu de développer le commerce extérieur et les transformations opérées pour le compte de l’étranger.

Mercier de la Rivière est fort instructif sur ce point. Pour lui, tout commerce n’est qu’un « échange de marchandise pour marchandise… », afin de « parvenir à une consommation » ; On ne doit donc pas « se laisser séduire par les dehors imposants des ventes qui se succèdent les unes aux autres » : cependant, « comme la consommation est la mesure de la reproduction, et comme le commerce intérieur est le moyen par lequel la consommation s’opère ; la liberté dont il jouit est tout à l’avantage de la reproduction[1] ». Nous reviendrons plus loin sur la question du commerce extérieur et du libre-échange.

L’industrie n’est pas autrement traitée[2]. Même la vente faite à l’étranger à un prix plus élevé que le « prix nécessaire » ne serait pas un gain pour la nation, parce que ce prix ferait loi pour le commerce intérieur et parce que, dans ce cas, la nation — essentiellement composée de la classe productive — serait « mise à contribution par l’ouvrier vendeur[3] ». Et telle était bien dans son ensemble la doctrine avérée de l’école, comme le prouvent les axiomes de Quesnay et l’adhésion de Dupont.

C’était donner beau jeu aux mercantilistes. La Gazette du commerce publia[4] la lettre d’un « habitant de Nîmes »

  1. Mercier de la Rivière, Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, éd. Daire, pp. 537, 538, 539.
  2. « L’illusion, par rapport aux effets de l’industrie manufacturière, n’est pas moins inconcevable que celle qui nous a trompés sur les effets de l’industrie simplement commerçante : le manufacturier a naturellement le même intérêt, le même système que les commerçants, et il tient nécessairement la même conduite » (Ibid., p. 593). — « La seule objection que vous puissiez me faire, c’est que si l’industrie ne multiplie point les valeurs pour cette partie de ces ouvrages qui se consomment dans l’intérieur d’une nation, cette multiplication paraît du moins avoir lieu pour l’autre partie des mêmes ouvrages qu’elle vend aux étrangers. C’est, en effet, cette illusion si universellement accréditée qui a fait regarder le commerce de ces ouvrages comme propre à enrichir un État » (Ibid., p.590. — Voyez encore pp. 594, etc.).
  3. Ibid., p. 588.
  4. Numéro du 24 décembre 1765.