Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/203

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sur la question suivante : « Dix fabricants de Nîmes achètent aux Italiens de la soie pour un million de livres ; avec cette soie ils font fabriquer des bas à Nîmes et ils les revendent deux millions et demi de livres, partie aux Allemands et partie aux Portugais. On demande si ces manufacturiers n’appartiennent pas à la classe productive ; on demande si ce travail n’augmente pas les ressources et le nombre des consommateurs, ainsi que la quantité et la valeur des denrées nationales ». L’objection était grave. Quesnay se chargea d’y répondre. Il le fit assez péniblement, et beaucoup plus en contestant la vraisemblance de l’hypothèse qu’en réfutant la logique des conclusions[1].

Ne quittons pas ce sujet sans appeler l’attention sur la théorie des avances à la culture. Celles-ci comprennent : 1° les avances foncières, c’est-à-dire la formation même du terrain cultivable ; 2° les avances primitives, telles que bâtiments, matériels, etc., avances qui ont besoin d’être entretenues à peine de dépérissement ; 3° les avances annuelles ou dépenses de culture proprement dites[2].

On peut voir dans cette distinction quelque chose d’analogue à celle du capital fixe et du capital circulant d’Adam Smith. Smith n’a fait que généraliser pour toutes les industries une théorie que les physiocrates n’avaient énoncée que pour l’agriculture : encore Karl Marx accuse-t-il Adam Smith de « retomber, dans l’application, loin derrière Quesnay[3] », sans doute au point de vue du processus de circulation et de production[4].

À mesure qu’on arrive un peu plus tard, le mot « capi-

  1. Les trois articles de Quesnay (dont deux portent les pseudonymes M. N. et M. H.) sont donnés dans l’édition Oncken, pp. 396, 409 et 440.
  2. Quesnay, Analyse du tableau économique, etc. — Pour trouver une explication bien claire de cette division tripartite (très souvent on oublie les avances foncières), il faut voir l’Explication du tableau économique par l’abbé Baudeau, ch. I,.§§ 2-8, édition Daire, pp. 823 et s.
  3. Karl Marx, Capital, t. II, tr. fr., p. 193.
  4. Au fond, le processus de circulation de Marx n’est pas sans analogie avec celui de Quesnay (Voyez K. Marx, op. cit., t. II, pp. 399 et s.).