Baudeau écrit un mémoire sur le « monopole des blés exercé dans tout le royaume depuis 1770 ». Il y démontre qu’aucun négociant ne peut lutter contre « les commissionnaires du roi trafiquant avec les deniers de son trésor » et vendant à perte, « à très grosse perte ». « Nommez-moi, dit-il, le marchand que vous voudrez, soit étranger, soit national, et je vous le ruine infailliblement le premier[1]. » Aussi le commerce libre, relevé par les réformes de 1763 et 1764, était-il de nouveau désorganisé ; et un ancien condisciple de Turgot, Mgr de Boisgelin, archevêque d’Aix, écrivait très justement à Terray, le 30 décembre 1772 : « Si les approvisionnements faits par le gouvernement sont nuisibles, il ne faut pas qu’ils deviennent nécessaires. Ils sont nuisibles parce qu’ils détruisent le commerce : ils deviennent nécessaires quand le commerce est détruit[2]. » Désastreux pour le pays, ce système était aussi fort onéreux pour le roi, dont les agents-spéculaient très maladroitement, mais avec d’énormes commissions. Ainsi se créa la légende qui, bien après le traité Malisset, persista à accuser le gouvernement d’avoir constitué une compagnie de monopoleurs officiels, coupable de vouloir centraliser entre ses mains et à son profit toutes les opérations sur les grains[3].
Dès la fin de 1769[4] et par conséquent avant la désastreuse récolte de 1770, avaient paru les Dialogues sur le commerce des blés, de l’abbé Galiani. L’Italien Galiani, qui était alors à Paris comme secrétaire d’ambassade pour le roi de Naples, s’était déjà fait remarquer par un fort bon traité sur la monnaie[5]. Ses Dialogues sont une œuvre
- ↑ Cité par Afanassiev, op. cit., p. 323.
- ↑ Cité par Afanassiev, op. cit., p. 331.
- ↑ Afanassiev, op. cit., pp. 338 et s.
- ↑ On place ordinairement en 1770 les Dialogues sur le commerce des grains. Il est probable que le livre fut postdaté, comme il est de coutume en librairie ; car c’est le 17 janvier 1770 que Turgot répond à l’abbé Morellet, qui lui avait écrit au sujet du volume (Afanassiev, op. cit., p. 236 en note).
- ↑ Della moneta libri cinque, 1750. — Voyez la thèse de M. Gaudemet, Galiani, Paris, Rousseau, 1889.