Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/229

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vive et spirituelle, quelque chose d’assez superficiel et d’assez éclectique pour pouvoir plaire au monde des salons. Le succès en fut prodigieux. Voltaire les louangeait beaucoup et en disait, avec sa légèreté ordinaire de grand seigneur : « Si cet ouvrage ne fit pas diminuer le prix du pain, il donna beaucoup de plaisir à la nation, ce qui vaut mieux pour elle[1] ». Galiani croyait, à l’encontre des physiocrates, que le bon marché du blé est une condition nécessaire de la prospérité de l’industrie manufacturière : mais ce n’était pas du système prohibitif qu’il attendait ce bon marché. Comme conclusions pratiques, il demandait, à l’intérieur, la liberté entière du gros commerce et une révision de la réglementation du petit commerce, avec rachat de tous les droits intérieurs au moyen de taxes sur l’importation et l’exportation ; à l’extérieur, il demandait, non pas la liberté absolue de la circulation, mais des droits réciproques d’importation et d’exportation calculés de telle sorte qu’il fût plus avantageux d’exporter de la farine que du grain, et plus avantageux d’importer du grain que de la farine[2]. Toutefois les faits étaient inexactement connus de lui, et Morellet n’eut pas de peine à relever ses erreurs et ses contradictions sur la population et l’agriculture de la France[3].

Galiani ne manqua pas de contradicteurs. L’abbé Roubaud, qui venait de faire, en 1769, ses Représentations aux magistrats — car les Parlements avaient vivement combattu les réformes de 1763 et 1764[4] — écrivit, en huit lettres correspondant aux huit dialogues de Galiani, ses Récréations économiques ou lettres à M. le chevalier Zanobi, principal interlocuteur des Dialogues (1770). L’ironie y est aussi lourde qu’amère. L’abbé Morellet[5],

  1. Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, article Blés.
  2. Lire surtout le 7e Dialogue (édition Guillaumin, pp. 107 et s.).
  3. Voyez Afanassiev, op. cit., pp. 246-247.
  4. Supra, p. 168.
  5. Morellet (1727-1815), né à Lyon, d’une famille de petits marchands. Après la Révolution on le retrouve, en 1808, membre du Corps législatif, et il y siégea jusqu’à la fin de l’Empire.