paieront moins cher ; hostile aussi à un droit d’entrée, parce que ce droit là « sera en surhaussement du véritable prix que l’étranger aura reçu ; il vous sera donc payé seulement par vos acheteurs nationaux ; il ne sera qu’un droit de consommation[1] ». On ne demandera pas même la réciprocité ; car « la première nation qui donnera aux autres l’exemple de cette politique éclairée et humaine, affranchira ses productions, son industrie et son commerce de toutes prohibitions et de tous droits, s’élèvera rapidement à la plus haute prospérité et forcera bientôt les autres nations à l’imiter au profit de l’humanité tout entière[2] ». Il est vrai que Turgot ne construisait aucune théorie et qu’il ne scrutait point les complexités du problème. Comment l’aurait-il pu, puisqu’il était, lui aussi, intimement convaincu de la supériorité agricole et industrielle de la France, ainsi que le révèlent ses protestations — bien inutiles sans cela — contre l’idée que l’on pouvait avoir de mettre des droits à l’exportation[3] ?
Sur Turgot, une dernière question reste à examiner. Les Réflexions de Turgot ont-elles pu inspirer Adam Smith[4] ? Ou bien est-ce, au contraire, Adam Smith qui aurait inspiré Turgot ?
Dans le premier sens, on fait observer que les Réflexions de Turgot ont été publiées dès 1770, envoyées à Josias Tucker et traduites en Anglais, tandis que la Richesse des nations d’Adam Smith est seulement de 1776. De plus, Adam Smith était venu en France en 1763 et 1765 ; il avait connu Turgot et les physiocrates ; lui-même a déclaré que « le système économique de Quesnay, avec toutes ses imperfections, était l’opinion la plus voisine de la vérité
- ↑ Lettres sur le commerce des grains, Ve lettre, Œuvres, t. I, p. 188.
- ↑ Rapport sur les réclamations de la Chambre de commerce de Lille, Œuvres, t. II, p. 361.
- ↑ Voyez les deux documents cités ci-dessus, Œuvres, t. 1, p. 188, et t. II, p. 360.
- ↑ En ce sens, Espinas, Histoire des doctrines économiques, p. 251.