Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/294

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ternationales, ni notre esprit moderne de cosmopolitisme financier. Aujourd’hui, au contraire, les capitaux émigrent sans peine ; les terres et les maisons elles-mêmes franchissent en quelque sorte les frontières ; surtout les créances et les valeurs de portefeuille se déplacent de pays à pays sans la moindre difficulté. Aujourd’hui, par conséquent, les nations peuvent s’appauvrir en aliénant leurs capitaux, comme un prodigue livre les siens contre les produits et les services de ceux qui exploitent ses faiblesses. L’échange international des produits contre les produits ne donne donc plus l’explication d’une balance des comptes ou d’une variation des cours du change, comme il aurait pu en fournir la raison il y a un siècle[1].

Bien plus, la théorie des débouchés, appliquée au commerce international comme Say l’appliquait lui-même, c’est-à-dire d’une façon absolument simpliste, le conduisait à une erreur aussi grave que celle des mercantilistes ses adversaires. Pour lui, d’une part, l’échange international est tenu nécessairement en équilibre par la formule « produits contre produits » ; d’autre part, quand il s’agit d’apprécier le bénéfice qu’un pays réalise dans cet échange, c’est sur les marchés étrangers — et non pas sur le marché national — que nous devons prendre la valeur des articles que nous y avons mis et de ceux que nous en avons retirés[2]. Ainsi, quand un marchand français envoie pour 20.000 francs d’eaux-de-vie en Angleterre, et quand, parvenant à les y vendre 1.000 l. st., il achète de la quincaillerie anglaise qui, rendue en France, y vaut 28.000 francs, l’échange des produits est en équilibre et la France a gagné un équivalent de 8.000 francs, tandis qu’elle n’eût rien gagné si c’était la balance du commerce qui se fût

  1. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édition, pp. 386 et s. — Nous avons touché également ce point en ce qui concerne particulièrement J.-B. Say, dans notre préface au Régime légal des valeurs mobilières étrangères en France, par Jules Robin, Lyon, 1899, pp. vii-xi.
  2. À comparer l’exemple fourni par Bastiat, les 100.000 fr. de verroteries et de cotonnades qui achètent 1 million de poudre d’or en Guinée.