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tions. Nos conclusions ont été : 1° que la rente différentielle n’est que le phénomène de l’inégalité de rendement des capitaux incorporés à la terre et que d’ailleurs des phénomènes analogues d’inégalité se rencontrent dans les rendements de tous les capitaux fixes incorporés à des dates différentes ; 2° que les pronostics de Ricardo sur la plus-value des terres et sur la hausse de la rente — autrement dit l’unearned increment, (ou accroissement non gagné, causé par le seul fait de l’augmentation de la population entraînant l’augmentation du prix des denrées — ne se sont pas vérifiés après lui, surtout depuis le déclin de l’agriculture ;

3° que la rente absolue ne doit pas être distincte du loyer des capitaux affectés à l’agriculture et que, par conséquent, la rente ne doit pas être comprise — comme le loyer ou intérêt, le salaire et le profit — parmi les titres ou parties prenantes de la répartition.

Cependant Ricardo, qui s’est approprié le concept de la rente différentielle par les développements qu’il lui a donnés, n’était pas le premier à en avoir eu l’intuition. Sans parler de Malthus, qui avait publié en 1815 ses Recherches sur la nature et les progrès de la rente, Ricardo était précédé depuis bien plus longtemps par James Anderson, qui avait énoncé cette théorie dès 1777, dans An inquiry into the nature of cornlaws, et qui l’avait reprise et approfondie, en 1802, dans sa revue mensuelle intitulée Recreations in agriculture, natural history, arts and miscellaneous literature[1]. M. Claudio Jannet a également relevé que l’historien arabe Ibn-Khaldoun avait déjà noté,

  1. Recreations, t. IV, pp. 401-428. — Il y eut un grand nombre d’Anderson qui se firent un nom : on en connaît au moins quatre avec le prénom de James comme celui-ci. Celui qui nous occupe (1740-1808) est un Écossais qui géra successivement deux fermes très importantes, l’une près d’Edimbourg, dans le Midlothian, l’autre dans le comté d’Aberdeen. Il se retira à Edimbourg en 1783, puis à Londres, où il fonda et fit paraître, de 1799 à 1802, la revue intitulée Recreations. — Certain chapitre de Boisguilbert (Traité des grains, IIe partie, ch. iv) ferait déjà songer à la théorie de la rente différentielle. Il n’a manqué à Boisguilbert que de creuser à fond l’idée qu’il émettait incidemment.