Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/317

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de la valeur internationale ou coût relatif de production, qui conduit à toute une théorie fort ingénieuse sur le libre-échange entre les peuples et surtout à une conception toute nouvelle du rôle de la monnaie et de l’équilibre naturel des existences monétaires selon les besoins des nations. Ces théories, toutefois, furent seulement, soit ébauchées, soit brièvement exprimées par Ricardo, avant qu’elles fussent développées par Stuart Mill et par Cairnes : elles furent d’ailleurs incomprises ou ignorées en France. Nous en ajournons quelque peu l’étude pour y consacrer plus loin un chapitre spécial[1].

L’œuvre de Ricardo est avant tout métaphysique. Il raisonne toujours d’une manière abstraite ; lors même qu’il discute des hypothèses, il le fait comme un mathématicien qui examinerait l’une après l’autre les différentes valeurs que peut prendre une expression. Ce n’est point dans la statistique et dans l’observation directe des phénomènes concrets de l’histoire qu’il aime à trouver ses arguments ou ses exemples[2].

Mais, sous cet aspect, il possède bien à un degré remarquable les qualités du philosophe, et ce n’est pas sans motif que la théorie de la rente foncière lui a laissé, selon l’expression de M. Paul Leroy-Beaulieu, « l’immortalité et le renom d’une des plus fortes têtes dont puisse se glorifier l’économie politique[3] ». Bien tombé maintenant, son prestige a été longtemps indiscuté, et il a régné pendant un grand demi-siècle sur toute une école qui devait cependant compter des hommes aussi indépendants et aussi raisonneurs que Stuart Mill allait être.

  1. Infra, ch. vi.
  2. On soupçonne sans peine ce caractère particulier de son esprit, quand on lui entend dire que, « dans le but d’être plus clair », il a « considéré l'argent ou la monnaie, comme invariable dans sa valeur et par conséquent toute variation de prix comme l’effet d’un changement dans la valeur de la marchandise seulement » (Op. cit., ch. vi, p. 75). Et que deviendrait le raisonnement si cette hypothèse était fausse ?
  3. Essai sur la répartition des richesses, 1re édition, p. 80.