Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/321

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nité[1]. » Le même reproche, en termes analogues, se trouve reproduit par Schmoller, par Lujo-Brentano, par Knies et par bien d’autres.

Contre Smith, Say et Malthus l’accusation n’est pas fondée en fait, outre que nous aurions plus d’une réserve à faire sur l’évolutionnisme historique et moral, dont Hildebrand posait ici le principe[2]. Adam Smith parle à maintes reprises des changements historiques qui se sont produits dans les conditions sociales, des nécessités momentanées ou locales qui conseillent telle ou telle politique, et de la difficulté que les capitaux et les bras éprouvent quand ils sont sollicités de changer d’industrie. J.-B. Say signale « dans chaque pays et même dans chaque province des caractères nationaux qui sont quelquefois favorables, quelquefois contraires au développement de l’industrie[3] », et il raille Mercier de la Rivière, qui, appelé en Russie par Catherine II pour donner des lois à son empire, « ne pouvait pas régenter la Russie en faisant abstraction de son sol, de son climat, de ses habitudes, de ses lois, qu’il ne connaissait pas à fond[4] ». Que dire encore de Malthus, qui, dans son Principe de population, consacre une vingtaine de chapitres à décrire les obstacles divers que l’accroissement de la population rencontrait ou rencontre chez les peuples anciens et chez les peuples modernes ? Ricardo serait peut-être plus difficile à défendre, précisément parce que la forme plus métaphysique et plus abstraite de ses considérations l’appelait moins souvent à se mettre en contact avec le concret. Et cependant, dans une grande partie de son œuvre capitale, il ne fait guère autre chose que discuter,

  1. Hildebrand, Die Nationalœkonomie der Gegenwart, 1848, p. 28.
  2. Voyez plus bas, 1. III, ch. ii.
  3. Cours complet, 1. I, ch. vi, t. I, p. 99. — « Un ouvrier anglais ou allemand, dit ensuite J.-B. Say, est tout entier à son ouvrage… En France, il est souvent léger et peu curieux de la perfection… Un ouvrier espagnol aime mieux aller mal vêtu et se nourrir à peine que de s’assujettir au moindre travail. »
  4. Cours complet, Considérations générales, t. I, pp. 25-26.