Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/326

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List et de l’économie politique nationale. Mais ici il faut avant tout examiner les textes des économistes, et nous rendrons certainement justice à leurs sentiments, quand bien même nous devrions plus tard ne pas rendre aussi pleinement hommage à la consistance et à la solidité de leur doctrine.

De Smith, nous avons cité l’approbation qu’il donnait à l’acte de navigation, la théorie des droits éducateurs, le maintien de la protection des industries nécessaires à l’indépendance nationale, enfin la convenance des lentes transitions entre un régime prohibitif et la liberté[1]. En matière de tarifs douaniers, Jean-Baptiste Say, quoique partisan plus convaincu du libre-échange, demandait néanmoins que l’on consultât les fabricants pour éviter les libertés intempestives et les ruines industrielles, qui auraient entraîné des pertes de capitaux et des misères[2]. Malthus, enfin, considérait « une parfaite liberté du commerce » comme « une illusion, une perspective que l’on ne doit pas se flatter de voir se réaliser » ; il croyait pourtant qu’il faut l’avoir en vue « pour en approcher autant que possible[3] ».

Arrêtons-nous un peu plus longtemps à Ricardo. Il ne demandait pas, comme le fit plus tard la fameuse Anticornlawleague, la suppression intégrale et immédiate des droits sur les blés. On peut même le taxer, sur ce point, d’un protectionnisme exagéré. Mais pour le comprendre il faut connaître d’un peu plus près le régime dont bénéficiaient alors les propriétaires fonciers de l’Angleterre. Aussi bien

  1. Voyez plus haut, p. 273.
  2. « Comme il faut bien mettre des droits, ne fût-ce que pour subvenir aux dépenses de l’État ; comme une liberté intempestive pourrait bien aussi avoir ses inconvénients et qu’il faut éviter la ruine des établissements qui se sont formés sur la foi même d’une législation imparfaite…, il est bon de consulter les industriels… L’importation des fers (en franchise) entraînerait la destruction de presque toutes nos grosses forges, auxquelles des capitaux considérables ont été consacrés… » (Cours complet, l. IV, ch. xiv, t. I, p.585 ; — l. IV, ch. xvi, t. I, p. 599).
  3. Principe de population, 1. III, ch. xii, p. 441.