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CHAPITRE III

L’ÉCONOMIE POLITIQUE APRÈS SMITH ET RICARDO

I

LES CLASSIQUES EN FRANCE, EN ANGLETERRE ET EN ALLEMAGNE

I. — France.

Adam Smith jouit longtemps d’une autorité incontestée. Il était le maître que l’on commentait ; et les esprits les plus hardis cherchaient plutôt à ajouter à ses doctrines qu’à les réformer où à les contredire[1]. En France, il avait trouvé un traducteur dans le comte Germain Garnier, dont les autres œuvres contribuèrent également à répandre les mêmes opinions[2]. Mais on ne le séparait guère de Say, de Malthus et de Ricardo, auxquels il avait tracé la voie. L’économie politique gardait encore ce caractère de secte un peu fermée que les physiocrates avaient jadis donné a leur école. L’heure de la vulgarisation n’était pas encore sonnée : tout au plus travaillait-on pour la faire approcher.

Destutt de Tracy, plus connu comme philosophe sensua-

  1. Nous devons citer cependant dans le sens des doctrines mercantilistes et protectionnistes Ferrier (Du gouvernement dans ses rapports avec le commerce, 1802) et surtout Ganilh, qui ne manque pas toujours de certains mérites (Des systèmes d’économie politique, 1809 ; et Traité de l’économie politique, 1815). — M. de Saint-Chamans, auteur du Nouvel essai sur la richesse (1824), n’est, au contraire, qu’un rétrograde, que ses absurdités et ses sophismes ont discrédité absolument.
  2. Germain Garnier (1754-1821), député aux États Généraux, sénateur en 1804 et comte sous l’Empire, pair de France et marquis sous la Restauration. — Ne pas confondre le comte Garnier avec un autre économiste, Joseph Garnier (1813-1881), que nous verrons à propos du mouvement libre-échangiste.