Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/341

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« économistes sociaux » de l’école française[1], encore, faut-il bien se garder de le rapprocher de Sismondi et même de Villeneuve-Bargemont.

Entre temps, une grave question de morale, qui avait souvent occupé l’attention des économistes, disparaissait de toutes les préoccupations : je veux dire la question de la licéité du prêt à intérêt. Sous la pression de l’opinion et des circonstances, les lois civiles en étaient venues à admettre l’intérêt ; même de plein droit dans une foule de cas et les lois ecclésiastiques ne tardèrent point trop à suivre les lois civiles, sinon dans la théorie, puisque les principes posés par Benoît XIV ne furent jamais rapportés, mais au moins dans la pratique, lorsque Pie VIII sanctionna, le 18 août 1830, un décret de la Congrégation de la pénitencerie répondant le fameux non esse inquietandos à ceux qui la consultaient sur la règle de conduite à suivre. La question, depuis lors, a disparu des controverses ; elle ne s’est réveillée, du moins en ces derniers temps, que dans le groupe étroit de la démocratie chrétienne ou dans son voisinage[2].

Nous avons expliqué ailleurs comment, selon nous, les solutions actuelles de l’Église se rattachent à la théorie du lucrum cessans, où déjà la plupart des scolastiques voyaient un titre légitime pour la perception, non pas d’une usura formelle, mais bien d’un quod interest équivalent. Au XIXe siècle, en effet, il est bien certain que les emplois rémunérateurs de toutes sommes d’argent sont toujours possibles, à tel point que le lucrum cessans puisse être présumé d’une manière générale, au lieu d’avoir besoin, comme autrefois, d’être constaté en fait pour chaque opération particulière qui se présentait. Nous croyons donc que la législation ecclésiastique, interprétée en ce

  1. Histoire de l’économie politique, ch. XLI, 2e édit., t. II, pp. 282-283.
  2. Ainsi Modeste, le Prêt à intérêt, dernière forme de l’esclavage, Paris, 1889.