Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/37

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parla seule conquête, stérilisé maintenant par le mépris du travail et par l’esclavage, qu’est-ce donc que l’Empire romain aurait trouvé à exporter pour rétablir l’équilibre de sa balance du commerce comme on dirait aujourd’hui ?

Il est certain, en effet, que dans, le monde romain de l’âge classique le mépris des métiers manuels et du commerce était plus répandu que jamais[1].

Quant au déclin de la culture en Italie, l’État, sans le vouloir, y avait pris vraiment quelque peine. Après la seconde guerre punique, l’administration romaine avait inauguré une politique que la France devait pratiquer aux xviie et xviiie siècle ; elle s’était préoccupée tout particulièrement des consommateurs pour leur sacrifier les producteurs et maintenir à bas prix les céréales[2]. Les provinces — plus particulièrement la Sicile, puis la Sardaigne, l’Égypte et l’Afrique — livraient, tant à titre d’impôts que par vente à l’État, des quantités considérables de blé, qui étaient soit données aux citoyens pauvres, soit vendues à vil prix, en vertu de leges frumentariœ qui remontaient aux Gracques. Sous César, les bénéficiaires des largesses purement gratuites atteignaient pour Rome le chiffre de 320.000; ils se maintinrent à 200.000 depuis la fin de la République jusqu’à Septime Sévère. Les greniers d’abondance, les ventes au rabais, enfin tout un ensemble de mesures pour empêcher la cherté complétaient ce système, qui eut une fâcheuse influence sur l’agriculture de l’Italie. Pline accuse les latifundia, et ils étaient cer-


    tant sont coûteux pour nous le luxe et les fantaisies des femmes » (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, I ; XII, 18).

  1. « Sordidi putandi, "qui mercantur a mercatoribus quod statim vendant : nihil enim proficiant, nisi admodum mentiantur… Opifices omnes in sordida arte versantur, nec enim quidquam ingenuum habere potest officina… Mercatura autem, si tenuis est, sordida putanda est ; sin magna et copiosa, multa undique apportans multisque sine vanitate impertiens, non est admodum vituperanda » (Cicéron, De Officiis, XLII).
  2. Voyez Marquardt, Organisation financière chez les Romains, tr. fr., 1888, pp. 138 et s., et toutes les sources bibliographiques qui y sont énumérées.