Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/38

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tainement à craindre dans une société qui offrait le contraste de l’extrême misère servile et de l’opulence de quelques-uns par la concentration démesurée des fortunes : mais Auguste avait été plus judicieux et il avait révélé, je crois, un sens économique plus profond quand il avait accusé avant tout les distributions publiques et le régime de ces leges frumentariœ[1].

Plus tard, en 301, dans une période aiguë de convulsions politiques, économiques et religieuses, c’est par une sorte de réorganisation de la société, au moins dans les villes, que Dioclétien essaiera de ramener l’ordre, la paix et l’aisance. Il entreprendra alors de corriger de façon radicale les abus de la libre production et de la libre vente.

Pour cela, dans son édit fameux du maximum, que Mommsen a restitué au moyen de fragments d’inscriptions, Dioclétien fixait un maximum des prix de vêtements, chaussures, etc., et un minimum des salaires, avec d’innombrables distinctions entre les prix de chaque sorte d’articles. En même temps, il transformait en corporations obligatoires et héréditaires une foule de métiers, de ceux, surtout, qui servaient à l’alimentation du peuple ; ce n’était pas tout, et si le personnel d’un métier semblait insuffisant, il versait de nombreux citoyens de l’un dans un autre. Pour expliquer l’audace de cette tentative, il fallait le souvenir de l’anarchie que l’Empire romain avait traversée, les menaces toujours croissantes de l’invasion, la concentration autocratique du pouvoir et, par dessus tout, il fallait des traditions d’étatisme autocratique que l’Empire avait trouvées dans la République et qu’il n’avait point abolies[2].

  1. « Impetum se cepisse scribit frumentationes publicas in perpetuum abolendi, quod earum fiducia cultura agrorum cessaret ; neque tamen perseverasse, quia certum haberet post se per ambitionem quandoque restitui » (Suétone, Auguste, XLII).
  2. Sur l’édit du maximum, consulter : Waltzing, Corporations professionnelles des Romains, et un article de M. Francotte dans la Revue générale, mai 1901. — Consulter aussi le P. Gastelein, Droit naturel, 1903. pp. 195 et s.