Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/371

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enfin, que l’ascète lui-même ordonne ses efforts vers le bien, pour monter le plus vite au plus près de la perfection. Ainsi en est-il du postulatum de géométrie qui nous montre la ligne droite comme le plus court chemin d’un point à un autre, mais qui, lorsque nous sommes en un certain point, ne nous dit pas cependant vers quel autre point nous devons tracer cette ligne droite. Le principe économique ne nous apprend pas davantage si c’est vers la richesse ou vers la vertu que nous devons nous diriger. Il nous guide seulement sur la manière d’atteindre l’une ou l’autre ou bien l’une et l’autre, une fois fait notre choix. Il y a donc un abîme entre le principe économique tel qu’il est de son essence, et la formule de la jouissance immédiate et personnelle, que Bentham voulait mettre à la base de la morale tout entière.

Un demi-siècle plus tard, on trouvera dans les manifestes de l’école de Manchester des formules analogues à celles de Bentham.

Mais tout d’abord, sur le terrain des faits, une rapide étude du mouvement libre-échangiste anglais est ici nécessaire, avec Huskisson, Peel, Gobdeh et Bright, placés au premier rang des hommes qui ont provoqué cette grande et pacifique révolution.

William Huskisson, né en 1770, avait été élevé en France, où il s’était attaché à la cause de la Révolution. Rentré en Angleterre, il se lia avec Pitt. Nous le voyons successivement membre de la Chambre des communes depuis 1804, secrétaire de la Trésorerie, agent de la Compagnie coloniale de Ceylan de 1812 à 1823, et président du Board of trade (sorte de ministère du commerce) de 1823 à 1827. Il meurt en 1830, les jambes broyées dans un accident survenu à l’inauguration du chemin de fer de Liverpool à Manchester. Mais Huskisson n’est point un écrivain. Ce qui le distingue, c’est sa campagne au Parlement, de 1816 à 1819, pour la suppression du cours forcé des billets de la Banque d’Angleterre ; ce sont surtout les