Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

morales, soit physiques, trop profondes pour que des moyens extérieurs eussent pu les faire naître ou pussent les effacer[1].

Stuart Mill glissa peu à peu vers un socialisme toujours plus accentué, il en a fait l’aveu dans son Autobiographie. Nous y reviendrons : mais c’est maintenant l’économiste seul que nous voulons étudier en lui, dans le dernier prolongement des théories ricardiennes, dussions-nous conclure, avec M. Block, que « sa réputation a dépassé son mérite comme économiste[2] ».

À cet égard, Stuart Mill, avec plus d’ordre et de méthode dans l’exposition et avec un cadre d’études qui prétend embrasser la science économique et même la science sociale dans toutes leurs parties, garde les défauts de Ricardo : la sécheresse et l’obscurité du raisonnement, une métaphysique abstraite, dans laquelle tout se déduit de quelques prémisses démontrées ou tenues pour telles, enfin une abstention systématique à l’égard de tous les faits statistiques concrets dont les exemples pourraient éclairer ou confirmer ses thèses, trop souvent aussi les déranger.

Ses Principes d’économie politique sont divisés en cinq livres, dont voici l’enchaînement logique.

Le premier est consacré à la « production ». Stuart Mill oppose ce livre aux suivants, en ce que « les lois et les conditions de la production des richesses partagent le caractère des vérités physiques. Ces lois n’ont elles-mêmes rien de facultatif et d’arbitraire », puisqu’il ne dépend pas de l’homme de faire ou d’empêcher que le travail soit rendu plus productif par le concours du capital, par l’habileté de l’ouvrier et par la division des fonctions. « Il n’en est pas de même, dit-il, à l’égard de la distribution des richesses ; c’est là une institution exclusivement hu-

  1. Voyez Ferraz, Études sur la philosophie au XIXe siècle, 2e édit., p. 353.
  2. Block, Progrès des sciences économiques depuis Adam Smith, 2e éd., t. I, p.16.