CHAPITRE VII
L’ÉCONOMIE POLITIQUE NATIONALE
Ce que nous venons de dire paraît bien justifier le reproche maintes fois adressé à l’école libérale anglaise de n’avoir fait qu’une place trop étroite à l’idée de nationalité et d’avoir cru trop facilement que des enrichissements individuels, procurés par un régime à peu près absolu de liberté économique, doivent amener fatalement la grandeur et la prospérité de là nation tout entière. Le reproche était sans doute injuste avec Adam Smith ; mais il est difficile de contester que l’école de Manchester le mérite ; quant à la théorie de Stuart Mill, elle mettait le principal avantage du libre-échange du côté des nations manufacturières, en sacrifiant les nations agricoles[1].
Une réaction était donc inévitable. On l’attribue à Frédéric List ; on lui fait même gloire d’avoir fondé l’économie politique « nationale », que l’on pourrait tout aussi bien appeler le « nationalisme économique ». Mais quelque influence qu’il ait eue sur l’opinion et quelque part qu’il ait prise de fort loin au nouveau mouvement protectionniste qui s’est manifesté en Europe et en Amérique au cours des trente dernières années, il faut bien reconnaître que List a eu des précurseurs, et que ces précurseurs — qui ne sont point les mercantilistes des XVIIe et XVIIIe siècles — ont contribué puissamment à lui inspirer ses doctrines.
D’abord en Allemagne l’idée d’une économie politique nationale était apparue dès 1809, avec les Elemente der Staatskunst d’Adam Müller[2]. D’après Müller, la doctrine