Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un sens général et cosmopolite ; ils faisaient abstraction de frontières. Raymond ne les suit pas ; et partant de là, tout en admettant qu’une nation doive acheter au dehors des objets qu’elle ne pourrait pas fabriquer au dedans à un prix aussi bas, il aboutit à la nécessité d’un régime protecteur par la nécessité de mettre ou de maintenir en une activité continuelle les forces nationales de production[1] ;

3° La distinction de l’économie politique et de l’économie privée. L’économie politique n’a pas à étudier comment les valeurs sont créées et acquises — ce serait de l’économie individuelle ou privée ; — elle a à étudier comment le gouvernement assure le plus grand bien-être de toute la collectivité nationale ;

4° La distinction du travail productif et du travail permanent. Le travail permanent est celui qui a pour but d’élargir les limites de la connaissance et d’augmenter la capacité d’acquérir les choses nécessaires ou confortables, tandis que le travail productif a pour but de produire des richesses en vue de leur consommation.

Frédéric List, dont nous devons nous occuper maintenant, eut précisément, dans sa vie fort agitée, le moyen de connaître l’œuvre de Raymond, quoiqu’on ne puisse pas prouver directement qu’il l’ait connue[2].

Né en 1789 à Reutlingen en Wurtemberg, List était le fils d’un tanneur. Il débuta comme Steuer-und-Güterbuch--

  1. Sur les causes et le caractère du protectionnisme de Raymond, voyez Neill, Daniel Raymond, an early chapter in the history of economic theory in the United States, Baltimore, 1897, p. 36.
  2. « Le protectionnisme moderne, c’est-à-dire la restriction de la concurrence étrangère et l’encouragement du commerce intérieur aussi libre que possible, a été le caractère de la politique économique des hommes qui ont en ce siècle façonné des empires… Ce protectionnisme moderne est pour une large part l’œuvre des Américains. La politique d’Alexandre Hamilton est la première expression ferme et raisonnée de cette doctrine. L’union de cette politique avec celle des progrès intérieurs, telles qu’on les trouve ensemble dans le système appelé système américain, a donné à Frédéric List l’idée définitive sur laquelle il a fondé son protectionnisme et son agitation en vue du Zollverein et du développement des chemins de fer en Allemagne. C’était en libre-échangiste qu’il était venu en Amérique. Mais ce fut sous l’influence