Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/431

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Jusqu’ici, dit List, on a fait tantôt de l’économie universelle ou cosmopolitique, tantôt de l’économie domestique ou privée.

Les classiques parlent de l’humanité en général. Le recueil des œuvres de Quesnay — ou « Physiocratie » — a pour titre : « Du gouvernement le plus avantageux au genre humain » ; Adam Smith se propose de traiter de la « richesse des nations », comme si les règles devaient être uniformes pour tous les peuples ; J.-B. Say prétend que « l’on doit s’imaginer une République universelle, pour trouver bien claire l’idée générale du commerce » ; Sismondi, enfin, définit l’économie politique « la science qui se charge du bonheur de l’espèce humaine ». On arrivera peut-être à la fédération universelle des peuples, mais on n’y est pas, et c’est pour le présent, cependant, que l’on doit légiférer[1].

D’autre part, les classiques s’occupent beaucoup plus de la manière dont les individus produisent, échangent, répartissent et consomment, qu’ils ne s’occupent de la richesse des nations en tant que nations. Cette critique avait été déjà maintes fois formulée par Raymond[2]. List remarque qu’Adam Smith partait bien de l’idée de nation, puisqu’il intitulait son livre « Richesse des nations » et

  1. L. II, ch. i, pp. 109 et s. — List disait déjà dans ses Outlines : « Si tout le globe était uni par une union comme celle des vingt-quatre États de l’Amérique du Nord, le libre-échange serait aussi naturel et aussi avantageux qu’il l’est maintenant dans l’Union américaine… Cet état de choses peut être très désirable ; les philosophes qui le souhaitent peuvent se faire honneur de leur vœu ; il peut même entrer dans les plans de la Providence que ce vœu soit accompli. Mais ce n’est pas l’état du monde actuel… Le monde n’est pas mûr pour que les institutions cosmopolites soient mises en pratique » (Lettre II). — Pour le parallèle de List avec Raymond, voir Patrick Neill, op. cit., p. 49.
  2. « Nous devons conserver avec soin, dit Raymond, la notion distincte de la nation elle-même et ne pas confondre celle-ci avec les individus qui la composent… Là est l’erreur dominante de tous les écrivains que j’ai lus sur ce sujet. Ils annoncent qu’ils vont traiter des intérêts nationaux, et ils abandonnent le sujet pour traiter des intérêts particuliers » (Raymond, Thoughts on political economy, 4e édit., p. 34). — Voir sur ce point dans List le ch.iv du 1. II de son Système national de l’économie politique (7e édit., pp.144 et s.).