Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/432

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puisque les premières lignes y présentaient le « travail annuel d’une nation » comme la source de ses richesses ; mais Smith quittait immédiatement cette voie, et, sauf certains passages comme ceux, qui concernent l’acte de navigation, les droits éducateurs et les industries ; nécessaires à la sécurité et à l’indépendance nationales » Smith ne traitait plus ensuite que des particuliers et de leurs intérêts privés.

List distingue ainsi trois degrés ou trois formes d’économies : 1° l’économie individuelle, privée ou domestique ; 2° l’économie nationale ; 3° l’économie universelle, cosmopolitique ou humanitaire[1].

Or, cette division tripartite implique, comme déjà admises, trois propositions qui lui serviraient de bases : à savoir : 1° que des nations existant comme unités, économiques et morales ; 2° que les intérêts des nations envisagées sous cet aspect ne sont pas identiques aux intérêts immédiats de leurs membres ; 3° que la richesse des nations consiste en autre chose que la richesse des individus qui les composent.

C’est encore dans Raymond que List a pu puiser l’idée de l’unité de la nation ; en tout cas, List avait exprimé cette idée dans ses Outlines, dès avant son retour de l’Amérique[2].

Mais cette idée est-elle juste en soi ? Nous le croyons pour notre part : et il nous semble que si l’on veut ne pas voir dans les sociétés publiques ou civiles autre chose que

  1. « Les parties constitutives de l’économie politique sont l’économie individuelle, l’économie sociale et l’économie de l’humanité » (Outlines, lettre I). — De même Raymond (Thoughts on political economy, 4e édit., p. 406) : « Autant la richesse nationale est distincte de la richesse individuelle, autant l’économie politique est distincte de l’économie privée. »
  2. Outlines, lettre II. — « Une nation, disait Raymond, est bien un être artificiel, une entité légale composée de millions d’êtres naturels… : mais elle n’en est pas moins une unité et elle possède toutes les conditions de l’unité. Elle a une unité de droits, une unité d’intérêts et une unité de possessions… Elle doit consulter exclusivement ses propres intérêts, sans aucun souci des intérêts des autres nations » (Thoughts on political economy, 4e édit., p. 35).