Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/467

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truire toutes les expressions par lesquelles rente et loyer pouvaient passer, à mesure qu’on se rapprochait du centre hypothétique de cet État.

Un peu plus tard l’Allemagne avait aussi Gossen[1], qui resta longtemps ignoré, même de ses compatriotes, et qui fut révélé beaucoup plus tard encore au public spécial de l’économie politique, par l’admiration que Jevons professa pour lui quand il l’eut trouvé en 1878.

Gossen, fier de ses découvertes, revendiquait, pour lui, dans le monde économique, une place égale à celle que Copernic occupe dans l’astronomie. L’économie, d’après lui, c’est la théorie du plaisir et de la peine, ou la théorie des procédés par lesquels les individus, soit isolément, soit en groupes, peuvent obtenir le maximum de plaisirs avec le minimum d’efforts possible. Voilà le principe économique : Quesnay déjà l’avait formulé. Or, l’utilité d’un produit quelconque doit être estimée après déduction de la peine que le travail de sa production entraîne avec lui. Ce sont là des courbes à construire : l’utilité du produit disparaît — elle prend, en d’autres termes, une valeur négative — quand la ligne représentative de l’effort dépasse et franchit la ligne représentative de la jouissance. L’échange perd aussi toute raison d’être, quand les utilités à donner et à recevoir sont mathématiquement égales. Tout cela est illustré par des figures géométriques ; l’analyse elle-même n’est pas exclue, quand il faut déterminer des maxima et des minima. L’ouvrage se terminait par une théorie de la rente, sur laquelle nous reviendrons à propos de la nationalisation du sol[2].

Le principal mérite de Gossen est d’avoir émis une théorie de la valeur basée sur le degré final d’utilité, bien

  1. Gossen (1810-1858), assesseur royal de gouvernement en Prusse, auteur de Entwickelung der Gesetze des menschlichen Verkehrs, 1854.
  2. Sur Gossen, voyez Jevons, Theory of political economy, préface de la 2e édition, et surtout Walras, Un économiste inconnu, dans ses Études d’économie sociale, 1896, p.351, et Éléments d’économie politique pure, 3e édit., 1896, pp. 188 et s.