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momentanées et contingentes, véritable morale utilitaire[1].

Nous citerons encore M. Léon Say, petit-fils de Jean-Baptiste et fils d’Horace, qui a laissé peu de travaux d’ordre didactique, qui a cependant traduit et vulgarisé l’excellente Théorie des changes étrangers de l’Anglais Goschen, et qui s’est illustré surtout par son œuvre financière[2]. Ami et conseiller de M. Thiers au moment de l’émission des deux grands emprunts de 1871 et 1872, sept fois ministre des finances entre 1872 et 1882, il a pris une part importante à la plus colossale opération de change que l’on ait jamais observée — le paiement de l’indemnité de guerre des cinq milliards.

Nous citerons enfin M. Yves Guyot, ancien député et ancien ministre des travaux publics, auteur de bonnes publications contre les collectivistes, notamment d’une défense de la propriété contre Lafargue[3] et du solide traité la Science économique[4]. Plus cyniquement que personne, M. Yves Guyot a formulé le système de la « morale de la concurrence », d’après lequel la loi de l’intérêt personnel, pratiquée sous un régime absolu de concurrence et de liberté, suffirait beaucoup mieux que toute morale métaphysique ou théologique à révéler et à faire observer les règles du juste et de l’injuste dans les rapports des hommes entre eux[5].

  1. Voyez surtout en ce sens la Morale économique (1888) et la Viriculture (1897).
  2. Léon Say (1826-1896), député ou sénateur depuis 1871 jusqu’à sa mort, ambassadeur à Londres en 1880, président du Sénat de 1880 à 1882.
  3. La Propriété, origine et évolution, thèse communiste, par Paul Lafargue ; Réfutation, par Yves Guyot (1895).
  4. La Science économique, 3e édition entièrement refondue, 1907.
  5. La Morale de la concurrence, publiée dans la Nouvelle revue, n° du 1er janvier 1896. — « Où trouver un ressort moral ?… demande M. Yves Guyot. La religion ! vous disent les uns. Et laquelle ? Le brahmanisme, le christianisme ou l’islam ? Laquelle a donc supprimé les crimes de l’humanité ?… La métaphysique ? Nos philosophes plus ou moins éclectiques n’auraient pas tant, parlé du devoir, si sa conception avait été évidente… Au lieu de croire qu’on peut forger le ressort moral avec des mots vides, des conceptions subjectives, je soutiens qu’il a pris place dans la civilisation moderne depuis