Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/479

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polémique dirigé contre Émile de Laveleye, Schæffle, Karl Marx et Henri George ; tous ces ouvrages, non moins que la direction du journal hebdomadaire l’Économiste français, préparaient M. Leroy-Beaulieu à son vaste Traité théorique et pratique d’économie politique, qui restera comme une œuvre durable et qui se recommande beaucoup moins par une exposition de systèmes dans lesquels il n’est pas si facile d’être neuf qu’il n’est dangereux d’être invraisemblable et bizarre, que par une analyse profondément fouillée des mille et mille phénomènes économiques les plus récents de la société contemporaine.

Ce n’est pas cependant que M. Leroy-Beaulieu n’y éclaircisse point d’une manière fort heureuse certains problèmes de pure théorie, tels que ceux de la satiabilité de nos besoins et de la substitution progressive de nos désirs. De moins en moins sans doute on veut d’une chose à mesure qu’on en a davantage ; mais la satisfaction d’un besoin déterminé a pour effet de susciter le besoin et la demande d’objets de nature très différente et d’aider d’autres industries qui les produisent. Une psychologie économique sagement conduite est donc une préparation nécessaire à l’étude de la « loi de compensation », par laquelle seule on peut résoudre la fameuse question des machines[1]. Personne non plus n’a exposé avec plus de force dans l’expression, avec plus de justesse dans les idées et plus d’opportunité dans le choix du moment, l’utilité sociale des grandes fortunes et les avantages généraux dont la constitution des grands profits industriels est ordinairement accompagnée[2]. Ajoutons enfin une heureuse réhabilitation de l’expression « valeur d’usage » et de la distinction qu’Adam Smith, après Aristote, avait voulu faire entre la valeur d’usage et la valeur d’échange, sans qu’il faille confondre, comme

  1. Traité théorique et pratique d’économie politique, 2e éd., 1896, t. III, p. 44.
  2. Op. cit., t. IV, pp. 282 et s. (Voyez tout le chapitre : « La fonction sociale de la fortune » ) ; et t. II, pp. 194 et s.