Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/487

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tion. Et cette double condition est-elle le corollaire obligé ou naturel du renoncement ? Pas le moins du monde : car le travail peut coexister ou ne pas coexister avec lui, et le renoncement peut fort bien être un renoncement à l’épargne. Précisément les grands ordres monastiques — les Bénédictins, notamment, et les nombreuses communautés qui fleurirent dans les premiers siècles du moyen âge — ne furent des agents actifs de progrès matériels et de capitalisation économique, que parce que les moines qui en faisaient partie, associaient au renoncement individuel le souci du développement, même matériel, de leur institution. C’est alors — mais alors seulement — que l’abstention de consommer laisse intacte la puissance de produire, tout en accroissant d’autant la puissance d’épargner. À un autre point de vue aussi, ces institutions pouvaient avoir, toutes choses égales d’ailleurs, d’autant plus de facilités pour épargner, qu’elles ne se recrutaient que d’adultes, c’est-à-dire de membres tous susceptibles d’être immédiatement des producteurs, et qu’elles échappaient de cette manière aux consommations improductives qui sont, dans les ménages, une nécessité du renouvellement des familles et de l’éducation des nouvelles générations. Combien l’épargne et la capitalisation seraient-elles en effet plus faciles dans un milieu qui ne se verrait naître que des enfants de vingt ans, sans avoir à élever, non seulement ceux qui arriveront à cet âge et qui produiront, mais aussi ceux-là même qui, emportés prématurément par la mort, n’y arriveront pas ! Les communautés religieuses, il est vrai — et nous nous hâtons de le dire — reversent en aumônes et en bienfaits de tout genre, sur toute la société qui les entoure, les avantages économiques qu’elles tirent comme malgré elles de ce mode essentiel de recrutement : pourtant, il n’en appartient pas moins à un économiste de noter et de signaler cette différence.

Mais, envisagé sous d’autres aspects, M. Charles Périn ne se sépare pas autant qu’on pourrait le croire, des éco-