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mas Carlyle (1795-1881), dont les œuvres imagées, souvent pleines d’âpres déclamations et de violentes apostrophes contre le « mammonisme », avaient contribué à faire éclore le « socialisme chrétien » de Maurice Kingsley et de Ludlow[1]. Mais d’autres ont été plus scientifiques. De ce nombre est Arnold Toynbee (1852-1883), professeur d’économie politique au collège de Cambridge[2]. C’est le culte voué à sa mémoire qui a inspiré le nom de Toynbee-Halls, donné aux salles de réunion où le public ouvrier de Londres vient entendre des conférences économiques et morales et s’élever par la fréquentation de jeunes gens d’une culture supérieure. Les Universités populaires de Paris ont essayé de reproduire quelques traits des Toynbee-Halls ; elles ont d’ailleurs incliné sans délai vers la libre-pensée et le socialisme, pour devenir, la plupart du temps, des foyers de propagande antireligieuse et antisociale.

Bref, le côté spéculatif de l’économie politique tendait généralement à être laissé dans l’ombre. C’était l’économie sociale qui prenait le pas sur l’économie politique. Nous ne nous en plaignons nullement, s’il doit en résulter une amélioration pacifique et progressive de la condition des classes inférieures : nous craignons cependant que beaucoup des hommes actuellement adonnés aux études d’éco-

  1. Voyez plus bas, 1. IV, ch. v. — Carlyle, On Chartism, 1840 ; Past and present, 1843. — Sur Carlyle, voyez entre autres Werner Sombart, le Socialisme et le mouvement social au XIXe siècle, 1898, pp. 54 et s. ; — Verhaegen, Socialistes anglais, 1898, pp. 30 et s. ; — Métin, le Socialisme en Angleterre, 1897, pp. 71 et s.
  2. Voyez Toynbee, Lectures on the industrial revolution in England, 1884 ; — Price, History of political economy in England, ch. viii, pp. 183 et s. — Toynbee présente-t-il une valeur scientifique ? Voici comment le juge M. Cossa, dans son Histoire des doctrines économiques (tr. fr., pp. 353-354) : « Toynbee se déclare radical et socialiste : mais il demande la réalisation de la justice ; il exalte le self-help, la coopération, l’initiative industrielle, le respect de la propriété privée ; il répudie le matérialisme. Ces contradictions dans le domaine de l’art économique ne doivent pas nous surprendre chez un auteur qui appelle, dans une de ses leçons, l’œuvre de Ricardo une imposture intellectuelle, alors que dans une autre il déclare qu’elle a besoin seulement de quelques corrections et d’une forme plus rigoureusement scientifique. »