Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/495

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Voilà en quel sens la vie économique, de domestique ou individuelle qu’elle était autrefois, est devenue maintenant une vie sociale ; et à ce propos l’on peut remarquer que les économistes sont généralement restés trop étrangers à l’observation et à l’étude de cette révolution, au cours de laquelle un si grand nombre de besoins ont passé de la phase des satisfactions privées à un régime de satisfactions collectives.

Le cadre des anciennes associations est donc devenu d’une insuffisance manifeste. On a bien gardé les sociétés de personnes, mais il a fallu tout au moins créer et multiplier les sociétés de capitaux. Et alors se présentait aussi une option nécessaire entre deux systèmes opposés : d’une part, les grandes Compagnies anonymes ; de l’autre, l’étatisation sous ses diverses formes, y compris par conséquent la municipalisation.

Autrefois l’État seul était assez fort pour le peu qu’il pouvait y avoir de travaux de ce genre a exécuter ou à assurer : tels jadis les canaux d’irrigation des Maures en Andalousie ou dans les plaines de Valence ; mais alors, les cas où cette nécessité se présentait, étaient trop peu nombreux pour que l’initiative individuelle en fût compromise. C’est ce domaine qui s’est depuis lors infiniment agrandi. Routes et chemins de fer, tramways, gaz et éclairage électrique, distribution d’eau dans les ménages et de force dans les ateliers, postes, télégraphes, téléphones, tout cela et bien d’autres choses encore soulèvent le même problème.

Est-ce donc encore par la liberté qu’il doit être résolu le plus généralement, et par conséquent par la recherche de l’intérêt privé au sein d’associations toujours facultatives ? C’est pour cette solution que nous tenons, mais non sans reconnaître que les circonstances ont donné au socialisme tout à la fois des arguments pour ses discussions et des procédés pour son avènement.