à provoquer. On ne dépendait guère de l’État ou collectivité que dans l’ordre politique — armée, magistrature, police ; — ou bien si de grandes institutions étaient nécessaires à côté de lui, par exemple, pour l’enseignement et l’assistance, l’Église y pourvoyait par les œuvres qui avaient jailli de son esprit en dehors de toute idée de lucre, telles que les monastères, les Universités et les fondations innombrables de la charité privée. En un mot, tout le monde vivait beaucoup par ses propres moyens, dans des conditions qui ne sont pas sans analogie avec l’existence actuelle des ménages de la campagne en dehors des agglomérations villageoises, ménages qui ont à s’abreuver, à s’éclairer, à se transporter par leurs propres moyens et qui ne pratiquent guère, en fait de contrats, que ceux de vente et d’achat de produits et ceux de louage de services et de travaux. Les classes élevées de la société étaient jadis elles-mêmes sous ce régime : dans les voyages, par exemple, on se mouvait soi-même, ne dépendant d’autrui que pour l’hospitalité à en recevoir.
Mais les grandes inventions ont introduit progressivement un genre de vie infiniment plus complexe. Leur application exige, en effet, les combinaisons des efforts les plus variés et d’innombrables contrats de tout genre, sans lesquels les découvertes de la science demeureraient le plus souvent stériles et sans lesquels, par conséquent, nos besoins ne pourraient trouver, même avec ces découvertes, que peu de satisfaction. Ainsi l’éclairage, les transports de marchandises, les voyages, les communications de la pensée impliquent, avec tous nos moyens actuels, de puissantes organisations qui excluent toute comparaison entre les modes anciens et les modes nouveaux de l’existence économique. Nous dépendons infiniment plus les uns des autres. Nous ne pourrions plus vivre, à ce qu’il nous semble, si des milliers de contrats, pour la constitution ou le fonctionnement de quelque outillage colossal, n’avaient pas été passés avant nous et en dehors de nous.