Aller au contenu

Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terres et l’intérêt des prêts à la production ; elle réfute aussi très bien l’argument d’Aristote contre l’intérêt des prêts d’argent, si l’on admet que les pièces de monnaie doivent être envisagées comme douées d’une force productive distincte de la réalité matérielle des espèces. Mais cette théorie n’explique pas le loyer des maisons, ni plus généralement le loyer de tout ce qui est capital privé ou lucratif sans être capital social ou productif ; elle n’explique pas non plus l’intérêt des prêts à la consommation, c’est-à-dire l’intérêt de l’argent quand celui-ci n’est pas envisagé comme capital social par l’emprunteur ;

2° Le service rendu où l’utilisation par l’emprunteur. Cette théorie embrasse bien la précédente, puisque croître les puissances de produire d’un individu, c’est bien lui rendre un service : mais elle embrasse beaucoup plus, puisque le locataire d’une maison et l’emprunteur de choses fongibles qui les destine à sa consommation, ne peuvent pas nier qu’ils les utilisent et en reçoivent un service. Autrement dit, elle embrasse les prêts à la consommation, soit prêts de capital fixe improprement dit (maisons, chevaux et voitures de luxe, etc.), soit prêts de capital circulant (argent, céréales, etc.), envisagé par l’emprunteur comme fonds de consommation et non de production. Bœhm-Bawerk rattache le développement de la théorie de l’utilisation à trois noms : J.-B. Say, qui lui donna la première impulsion, Hermann, qui lui donna une base solide, et Menger, qui l’amena au plus grand degré de perfection dont elle est susceptible[1] ».

Au point de vue moral, on a critiqué cette explication, par le motif qu’elle légitimerait l’exploitation des besoins et toutes les spéculations sur les passions ou sur la position embarrassée de tel ou tel emprunteur[2]. « Or, l’objection

  1. Op. cit., t. I, p. 247.
  2. Claudio Jannet (Capital, spéculation et finance, p. 83 en note) : « Il est très important au point de vue doctrinal, dit-il, de s’en tenir, pour justifier la perception de l’intérêt, aux titres de droit canonique : periculum sortis,