III. — Le troisième fondement de la société est la famille.
Le Play en distingue trois types :
1° La famille patriarcale, avec une propriété familiale collective et une très forte autorité de l’ascendant commun le plus éloigné. C’est le régime des patriarches de la Bible et des anciennes gentes de la Grèce et de l’Italie, si bien décrites depuis lors par M. Fustel de Coulanges dans sa Cité antique ;
2° La famille instable, dont le siège et le foyer sont exposés à changer à chaque génération, et dans laquelle l’autorité paternelle est nulle ou presque nulle. Elle correspond au partage forcé, qui est la cause principale de sa dislocation périodique ;
3° La famille-souche, qui tient le milieu entre l’une et l’autre, qui associe la stabilité morale avec les nécessités de l’existence moderne, et qui s’est spontanément développée chez les peuples agricoles de l’Occident, à mesure que le régime pastoral y faisait place au régime agricole et que la propriété individuelle y tendait de plus en plus à se substituer aux jouissances communautaires. Une autorité paternelle puissante et respectée, des ateliers manufacturiers ou agricoles transmis de génération en génération, tels sont les caractères essentiels des régimes de familles-souches. Ce type existe généralement dans les pays anglo-saxons, slaves et germaniques ; les classes rurales des pays latins ne s’en détachent que malgré elles. Il accompagne nécessairement les régimes de conservation forcée et se maintient naturellement avec ceux de liberté testamentaire : ceux de partage forcé, au contraire, tendent à le remplacer par un régime de famille instable[1]. (Ici cependant nous ferons remarquer que les États-Unis, malgré la liberté testamentaire totale des pays anglo-saxons, en sont venus
- ↑ Réforme sociale, ch. iii, § 24. — Organisation de la famille, 1. I, ch. i, §2.