Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entreprises récentes tendant à restaurer les communautés de travailleurs ont été peu fructueuses[1]. »

Or, le paupérisme industriel, forme neuve et inconnue de misère, a suivi en Occident la transformation des procédés du travail. Il faut le combattre : 1° par des lois d’hygiène ouvrière, mais surtout d’hygiène morale, qui relèvent de l’action de l’État ; 2° par des associations ouvrières, qui, bonnes sans doute, ne sont point adéquates au mal et qui, en tout cas, sont absolument impuissantes lorsqu’on veut les pratiquer sous la forme de sociétés coopératives de production ; 3° enfin et surtout par le patronage, seul remède efficace au paupérisme et correctif essentiel de la liberté. En France, malheureusement, le patronage s’exerce difficilement, d’une part à cause de l’esprit révolutionnaire, qui détourne les ouvriers de l’accepter et de l’aider, d’autre part à cause du partage forcé, qui disloque périodiquement l’atelier ou usine patronale et qui contribue à provoquer la création des sociétés anonymes, dans lesquelles le contact du patron et de l’ouvrier est plus rare et moins immédiat. Les pages de Le Play sur le « patronage et les classes dirigeantes » sont parmi les plus suggestives de son beau livre la Réforme sociale[2].

Ainsi Le Play et tous ses disciples prennent la position la plus opposée à celle de la démocratie chrétienne. Hiérarchie sociale, devoirs mutuels, influence moralisatrice et bienfaisante du patron, inégalité des richesses, maintien des grandes fortunes industrielles ou territoriales, précautions contre l’émiettement du sol, self-help et encouragement à l’initiative individuelle, épargne et prévoyance pour soi-même et pour les siens, tels sont quelques-uns des principes essentiels auxquels l’observation des sociétés prospères les a conduits. Ils n’y apportent pas même la foi aveugle aux forces indisciplinées de l’association ou-

  1. Ibid., sommaire du § 43.
  2. Voir ch. vi, § 50, t. II, p. 425.