Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/538

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furent attaqués — et ils le furent, peut-on dire, par une seule et même école.

Au principe de la constance et du caractère absolu des lois économiques naturelles, on opposa la doctrine de la relativité et par conséquent de la variabilité historique des lois qui régissent le monde économique. Au principe de la liberté que l’État doit laisser aux individus et aux familles, on opposa semblablement la doctrine de l’État informateur et moteur de la société, chargé de prévoir pour les individus et de pourvoir à leurs besoins. Sous le premier aspect, c’est l’historisme ; sous le second, c’est le socialisme d’État. Dans le fond, ce sont moins deux écoles que deux aspects d’une même école, composée pour ainsi dire des mêmes auteurs : car, si cette école est historique par les formules et la méthode qu’elle préconise, elle est ordinairement socialiste d’État par la désignation du moteur sur lequel elle compte pour faire réaliser l’évolution et pour la guider.

À la racine de l’historisme se trouve tout d’abord la croyance à la mobilité et à la succession des lois économiques.

Ainsi que Knies le disait déjà, « s’il s’agit de phénomènes et de lois de phénomènes pour lesquels on observe en même temps une ressemblance et une différence, nous ne pouvons attendre qu’une analogie des phénomènes économiques et non pas une identité : nous pouvons découvrir seulement des lois de cette analogie absolue[1]. » Or, l’analogie n’est qu’une certaine ressemblance extérieure des choses, tandis qu’un rapport de causalité est un lien logique et intime entre elles. Sur ce point, il y a donc un abîme entre la conception ordinaire des lois économiques et l’idée tout autre que s’en font les maîtres de l’école historique.

  1. Knies, Die politische Œkonomie vom Standpunkte der geschichtlichen Methode, 1853, p. 354. — Voyez toute sa conclusion, pp. 341-355.