Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/539

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« L’économique des peuples, a dit plus tard Hildebrand, est comme leur langue, leur littérature, leurs arts et leurs lois : une branche de leur civilisation. Elle se meut dans certaines limites ; mais dans ces limites c’est toujours un produit de la liberté et du travail de l’esprit humain. La science économique n’est pas abstraite ; et ni ses observations, ni ses lois ne sont immuables comme celles des sciences exactes[1]. »

Une telle conception du monde économique ne pouvait être ni imaginée, ni acceptée, sans un système philosophique nouveau qui lui servît de point d’appui[2]. Ce point d’appui, c’est Hegel qui l’a fourni dans l’ordre de la philosophie pure ; c’est Auguste Comte, Spencer et Darwin qui l’ont fourni dans l’ordre des sciences sociales.

Hegel avait d’abord abordé l’économie politique par un commentaire de l’Inquiry into the principles of political economy de James Denham Steuart. Cependant ce travail d’Hegel n’était qu’une œuvre de jeunesse, et c’est seulement par ses Grundlinien der Philosophie des Rechts (1821) que l’influence d’Hegel a pu s’exercer.

D’une manière générale, l’hégélianisme exclut l’absolu. Tout devient et tout se fait — même Dieu, puisque Dieu, d’après Hegel, n’est pas un infini personnel, mais bien seulement le tout de ce qui est, un infini inconscient et mobile. — Dieu donc devient et se fait comme le monde lui-même, au sein d’un panthéisme qui n’est que le « devenir » de toutes choses. Or, si tout change, ni la société, ni rien de ce qui est en elle, ne sauraient être immuables. Ce changement est un progrès : les révolutions en sont les étapes. Au début, l’individu était isolé. Mais l’association des individus engendra la famille ; et l’État lui-même est

  1. Hildebrand, Die Entwickelungsstufen der Geldwirthschaft, 1876.
  2. On peut étudier avec fruit (quoique nous nous soyons inspiré à d’autres sources) Charles Andler, Origines du socialisme d’État en Allemagne, 1897. — M. Charles Andler termine son volume en disciple zélé et convaincu d’Henri George, sinon en collectiviste proprement dit.